mardi 18 janvier 2011

Luc De La Rochellière J'ai Vu Studio12

Carthage 3.0 (Delenda Carthago Est)

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Jasmin Didon avait marché des milles pour faire entendre sa voix au roi de Carthage et à sa décoiffante conseillère, Leila. Il faisait nuit et la torche qu'il s'était faite avec un fond d'amphore trouvé dans les ruines romaines guidait son arrivée au palais de Carthage.

Il avait réussi à dénicher quelques figues parfaites qu'il apportait en offrande au roi afin de lui demander ses bonnes grâces. Jasmin n'avait pas un sou pour payer son permis et ne pouvait vendre ses fruits sur la place publique. Ces quelques figues auraient pu, pour lui, devenir un jour de salaire. Il croyait encore que le roi pourrait l'aider à sauver sa famille affamée.

Mais le roi n'était pas prêteur, disons plutôt qu'il était bougrement preneur, méchamment menteur et surtout hautement tyran. À la vue de Jasmin qui montait les marches de son palais, il devint mauve de colère, sortit de sa demeure et le bouscula. Jasmin déboula les quelques marches déjà montées. Les figues prometteuses allèrent rouler dans la poussière, sur la rue, et un policier du roi les écrasa de sa botte.

Le roi hurla :

— Qu'est-ce que tu fais avec ces figues sur mes marches ?

— Je voudrais un permis, mais je n'ai pas un dinar de plus que celui du pain du matin que me procurent mes fruits...

— Ce sont mes figues ! Tes dinars sont les miens ! Et sache qu'aucun autre chaab*, et surtout pas un fellah**, ne remarchera sur les marches de ce palais ! Tu seras mon serviteur ou c'est le cachot qui t'attend !

Jasmin, désemparé et désillusionné, avec une rage au cœur et une dernière pensée pour sa famille, se versa l'huile contenue dans son profond tesson d'amphore sur la tête. Le feu l'enveloppa sous les yeux désintéressés du roi Seth qui donna en échange à une femme présente, pour son silence sur l'histoire, une peau de bœuf.

Un événement minuscule eut toutefois lieu lors de l'immolation de Jasmin. Un miracle imperceptible, de la grosseur d'une longueur de Planck, se produisit sous les yeux du roi sans, logiquement, que le souverain ne puisse le voir. Une toute petite étincelle, de la grosseur d'un pixel s'envola et alla se poser sur la peau de bœuf, puis se réduit pour se coller sur une onde de transmission d'un oracle virtuel.

— T'as vu la face de ton père qui vient de m'annoncer que le peuple se soulève-euh ?

Bientôt tout le monde fut au courant, et Jasmin Didon créa, par son sacrifice, une armée de dix millions de gens qui voulurent la justice, la liberté, puis la tête du roi Seth et de ses suppôts. Le monde entier fut témoin de l'événement par le biais de l'oracle virtuel. Chacune des trente-et-une-nuits furent « La nuit des yeux ».

Dix millions de gens, jusque-là bâillonnés, se mirent à se parler par l'oracle qui accumulait les informations et leur retransmettait en messages tempérés, créant dix millions de guerriers pacifiques et clairvoyants.

Bien des hommes dans la rue, bien des femmes aux communications, un esprit de collaboration et un incroyable amour que tous chantaient.

Bien du sang, bien des pertes humaines et monétaires, causées par un roi déjà sénile, mais toujours gourmand et assassin, qui refusait à son peuple, le seul outil qu'il lui manquait pour prospérer : la parole.

Bien des maux subis par bien des familles pour profiter de cette peau de bœuf, pour la couper en morceaux, la réduire en poudre, en peau de chagrin. Bien de l'ingéniosité pour l'optimiser en une longueur de Planck, en un pixel, puis enfin l'étendre comme une immense toile.

Bien des bassesses du roi vaincu avant qu'il ne se sauve de Carthage comme un pleutre, libérant avant de partir les voyous de son empire, leur demandant en vain de tout détruire derrière lui.

Bien du courage de l'armée virtuelle de l'oracle, pour qu'enfin cette peau de bœuf trace les nouvelles limites d'un pays, gagné par la ruse, avec l'aide d'une petite étincelle. Un Jasmin.

Bien de l'humanité pour que le cha3b* et surtout les fella7** marchent enfin en rois sur les marches du palais de Carthage 3.0.

Et soudain, le bien.




À Tarek (le conquérant) Bouazizi
(Mohamed Bouazizi) qui a déclenché La révolution de Jasmin.
— Edgar Strabéri (Montréal, Québec, Canada)


*citoyen
**paysan


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lundi 17 janvier 2011

Démocratie Absolue (à la manière d'Absolut Vodka)



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14 janvier 2011
« ABSOLUT DEMOCRACY » est un hommage à la Tunisie, qui est devenue une référence mondiale dans le domaine des nouvelles communications. Avec Facebook, les réseaux sociaux et Internet, le peuple a désormais le pouvoir de créer un monde meilleur. À Mohamed Bouazizi et aux gens de la Tunisie : Merci ! Votre message est beau et fort ! Bonne continuité !
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